Cette semaine, les sénateurs ont repoussé l’une des dispositions essentielles du projet de loi Climat, qui prévoyait de limiter d’ici 2024 l’accès aux véhicules les plus polluants dans plus d’une quarantaine d’agglomérations françaises.
Sujet sensible, s’il en est, l’extension des « zones à faibles émissions » à de nouvelles agglomérations avec une limitation d’accès aux véhicules les plus polluants, les plus anciens, était en discussion ce mardi 22 juin au Sénat. Au septième jour de l’examen du projet de loi Climat et résilience, le sujet qualifié de « sensible » par certains sénateurs répond au nom de ZFE, pour zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Au sein de ces périmètres qui existent déjà dans le Grand Paris, dans la métropole lyonnaise ou encore autour de Grenoble, les véhicules jugés les polluants sont concernés par des restrictions de circulation. Huit nouvelles métropoles vont s’ajouter à la liste dans les prochains mois. Mais le projet de loi climat et résilience va plus loin : d’ici 2025, toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants devront instaurer des ZFE-m d’ici le 31 décembre 2024. A terme, ce sont donc plus d’une quarantaine d’agglomérations qui seront concernées par cette disposition, censée diminuer la quantité de particules fines dans l’atmosphère.
Les métropoles qui enregistrent régulièrement des dépassements dans les valeurs de qualité de l’air devront automatiquement bannir de façon progressive les véhicules les plus polluants. Les véhicules classés Crit’air 5 (véhicules diesel âgés de 20 à 24 ans) devront être bannis en 2023, les Crit’air 4 (véhicules diesel âgés de 16 à 20 ans) en 2024, et Crit’air 3 (véhicules essence âgés de 16 à 24 ans, ou diesel âgé de 11 à 15 ans) en 2025. Les collectivités qui ne sont pas concernées par les dépassements chroniques des seuils devront fixer elle-même les conditions pour améliorer la qualité de l’air.
Ne pas mettre les automobilistes au pied du mur
Or, fermer les agglomérations à certains types de véhicules risque de générer des « incompréhensions », voire des « crispations », selon le rapporteur de cette partie du projet de loi, Philippe Tabarot (LR). « La réussite des ZFE repose sur l’acceptabilité et l’acceptabilité des publics concernés », a-t-il insisté. Les sénateurs en sont conscients, même s’ils reconnaissent en hémicycle que les ZFE sont un « important levier » pour améliorer la qualité de l’air dans les zones les plus peuplées. Il y a une semaine, l’association 40 millions d’automobilistes les avait interpellés dans une lettre ouverte. « Pensons à ceux qui n’auront pas les moyens de participer à ce mouvement pour des raisons évidentes de finances », a également souligné le socialiste Olivier Jacquin.
La Haute assemblée, à majorité de droite et du centre, a donc adopté la version amendée en commission. Le calendrier de restriction a été assoupli, les échéances intermédiaires étant supprimées. La fin de la circulation des véhicules classés Crit’air 3, 4 et 5 au sein des zones à faibles émissions a été repoussée de 2025 à 2030. Pour Philippe Tabarot, il s’agit de fixer un objectif « réaliste ». Elsa Schalck, sénatrice LR du Bas-Rhin a également insisté sur la nécessité d’agir de « façon non punitive » et de laisser « le temps aux alternatives de se développer », sans « mettre au pied du mur » les automobilistes.
Placer les communes en première ligne
La version amendée du Sénat a également donné plus de marges de manœuvre aux collectivités territoriales dans les modalités de ces zones à faibles émissions. « La commission leur a redonné la main dans la définition de leurs schémas de circulation », a rappelé Philippe Tabarot. Autre modification introduite par la commission des lois : la possibilité d’empêcher le transfert des prérogatives des maires sur ces ZFE au président de la métropole. Une « minorité de blocage » (25 % des maires de l’agglomération ou les maires représentant au moins 25 % de la population) pourrait s’y opposer.
Les sénateurs ont également adopté un amendement de Stéphane Sautarel (LR), qui impose aux collectivités d’inclure à l’avenir dans les études préalables à la mise en place d’une ZFE les « impacts socio-économiques », et non plus seulement les effets sanitaires et environnementaux. L’objet de l’amendement souligne notamment qu’il faut davantage étudier les effets sur les ménages, notamment les plus modestes, mais aussi les entreprises, qui doivent amortir elles aussi leurs véhicules. Or, certaines collectivités comme le Grand Paris, ont décidé d’aller plus vite que le projet de loi, avec la fin programmée de la circulation des véhicules diesel dès 2024.
Autre modification : l’hémicycle a adopté un amendement de Stéphane Piednoir (LR), prévoyant un la publication d’un arrêté qui viendra préciser les « motifs légitimes pour lesquels une dérogation est possible », pour les restrictions à l’entrée d’une ZFE. Le ministre a indiqué que la loi prévoyait déjà ce genre d’exception, et que les collectivités territoriales étaient « libres » de « s’en saisir ». Sollicité à plusieurs reprises sur la question des utilitaires professionnels alourdis par les batteries électriques, Jean-Baptiste Djebbari a précisé qu’une dérogation était « déjà prévue » pour en tenir compte. « Nous n’hésiterons pas à aller au-delà de ce qui est prévu », a-t-il promis.
Sous l’impulsion du sénateur centriste Jean-Pierre Moga, ils ont également ajouté une exception aux restrictions de circulation des ZFE pour les véhicules de collection. Le sénateur du Lot-et-Garonne est notamment à l’origine d’une proposition de loi créant une vignette pour ces véhicules à l’intérêt patrimonial et qui n’ont pas, de par leur faible nombre, « d’impact significatif » sur la qualité de l’air.
L’opposition sénatoriale très critique
Le recul de cinq ans du calendrier initial a été très critiqué sur les bancs des sénateurs LRem, mais aussi chez les écologistes. « Je préfère un calendrier qui n’esquive pas nos responsabilités », s’est écrié le sénateur écologiste Jacques Fernique. La version sénatoriale pourrait, selon lui, inciter les villes à reporter leurs actions après les prochaines élections municipales, mais aussi exposer la France à de nouvelles sanctions européennes, pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air. Les amendements proposant un rétablissement du calendrier initial, dont celui du ministre des Transports Jean-Baptiste Djebbari, ont tous été rejetés.
Pourtant Jean-Baptiste Djebbari n’a cessé de souligner que la mise en place des ZFE va « inciter au renouvellement du parc automobile » et le mouvement s’accompagne d’une « mobilisation d’aides inédite ». Soucieux de ne laisser personne au bord de la route, les sénateurs avaient introduit le 18 juin la création d’un prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule propre. Le gouvernement s’y était opposé.
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