// Vous lisez...

L’actualité

Méga-bassines : « Accaparement » de l’eau ou survie des exploitations agricoles ?

À Sainte-Soline (Deux-Sèvres), le chantier d’un réservoir dédiés à l’irrigation agricole cristallise les oppositions à la centaine de « méga-bassines » en projet sur le territoire français. Cette « méga-bassine » est devenue le symbole d’un combat contre « l’accaparement de l’eau par l’agro-industrie ». Un combat violent que se livrent aujourd’hui opposant, activistes et forces de l’ordre.

En construction, protégée par une double rangée de grillage de deux mètres de haut, ses accès défendus par des barrages routiers, cette méga-bassine a déjà été au centre d’un rassemblement en octobre dernier. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait alors parlé d’un « rassemblement très violent » - 61 gendarmes avaient été blessés, « dont 22 sérieusement » - et avait dénoncé « l’écoterrorisme » d’une partie des manifestants, notamment des membres du collectif des Soulèvements de la Terre.
La contestation contre ces « méga-bassines » n’est pas nouvelle. A Sainte-Soline comme dans la plupart des autres territoires concernés. Elle était déjà visible à travers certains activistes locaux dès février 2017, date du début de l’enquête publique relative à la création de 19 retenues - un nombre qui sera revu à la baisse - dites « de substitution » et dédiées à l’irrigation dans le bassin de la Sèvre niortaise et du Mignon. Sans toutefois acquérir une portée nationale.
Depuis, les bassines de Sainte-Soline et de Mauzé-sur-le-Mignon - celle-ci étant déjà en fonctionnement - sont devenues sources de fortes tensions. Elles font toutes les deux partie d’un ensemble de 16 retenues, d’une capacité totale d’environ six millions de mètres cubes. Ces constructions s’inscrivent dans le cadre d’un projet porté depuis 2018 par une coopérative de 450 agriculteurs, et soutenu par l’Etat. Coût total : 76 millions d’euros, financé à 70 % par des fonds publics en échange de l’adoption de pratiques agroécologiques par les bénéficiaires.
Les partisans du projet, les agriculteurs, en font une condition de la survie des exploitations face à la menace de sécheresses récurrentes. Ces réservoirs représentent à leurs yeux une solution pour assurer les rendements. Les opposants dénoncent, eux, un « accaparement » de l’eau par « l’agro-industrie » à l’heure du changement climatique. Ils réclament un moratoire sur leurs constructions pour lancer « un vrai projet de territoire » sur le « partage de l’eau ». L’une des questions est de savoir qui est légitime à organiser la campagne. Culturellement, on a toujours considéré que c’était le monde agricole, car ils étaient aussi plus nombreux. Mais c’est de moins en moins vrai.

Cent projets de bassines en France

Au total, une centaine de « bassines » sont en projet, même si aucun décompte précis n’existe au niveau national. Une cinquantaine sont enregistrées en Poitou-Charentes. Le département des Deux-Sèvres, deuxième zone humide de France en superficie, s’est ainsi transformé en l’épicentre d’une contestation qui dépasse désormais le territoire concerné. En témoigne la présence de militants étrangers en provenance d’Italie, Allemagne, Suisse, des venues qui illustrent les échanges internationaux existant au sein des mouvements écologistes. Ces dernières années, les actions sont de plus en plus fréquentes et reçoivent un accueil mitigé. Si certains applaudissent ces actes de désobéissance civile, leurs détracteurs dénoncent la radicalité du combat.
Cette manifestation violente contre les « méga-bassines » survient quelques jours après la publication du dernier rapport du GIEC sur l’insuffisance des mesures prises pour réduire le réchauffement climatique. Pour lutter contre ce phénomène, des affrontements idéologiques devraient avoir lieu sur la méthode à utiliser.
Pour obtenir gain de cause, les militants enchaînent également les recours en justice. Et ont obtenu de nombreuses annulations d’autorisation. En mai dernier, cinq retenues d’eau similaires, au cœur de nombreuses manifestations en Charente-Maritime et dans les Deux-Sèvres, ont été interdites par la cour administrative d’appel de Bordeaux en raison d’études d’impact insuffisantes. La même juridiction doit encore se prononcer sur le sort de Sainte-Soline ainsi que sur celui des quinze autres « méga-bassines » prévues par la Société coopérative anonyme de l’eau des Deux-Sèvres, la Coop 79. Deux autres procédures contre des arrêtés inter-préfectoraux modifiés en 2020 et mars 2022 sont également en cours. La première sera jugée par le tribunal administratif de Poitiers, le 28 mars.

Commentaires

Pas de Message