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Protection de l’environnement

Condamnation de Shell aux Pays-Bas, un tournant majeur vers la responsabilité des multinationales en matière climatique

Aujourd’hui, 6 ans après avoir condamné l’Etat néerlandais pour inaction climatique dans Urgenda, la Cour de district de la Haye applique sa jurisprudence climatique à Shell, une des plus grandes multinationales pétrolières au monde. Shell doit réduire ses gaz à effet de serre, a minima de 45% en 2030 par rapport à 2019 afin de limiter le réchauffement à 1.5°C. Il s’agit d’une étape déterminante dans la reconnaissance de la responsabilité climatique des entreprises. Le Jugement prononcé par la Cour de district de la Haye pourrait en effet inspirer le juge français lorsqu’il devra se prononcer sur le fond de l’affaire qui oppose de nombreuses ONG (Notre Affaire à Tous, Sherpa, ZEA, FNE, les EcoMaires) et 15 collectivités territoriales au groupe Total.

Rappel de l’affaire Shell aux Pays-Bas

En 2018, l’ONG Milieudefensie (Les Amis de la Terre Pays-Bas) a envoyé une lettre à Shell lui rappelant sa responsabilité en matière climatique. L’association y démontrait que le comportement de Shell est illégal depuis 2007, année où le groupe abandonna le développement et le déploiement des énergies renouvelables pour motifs économiques. Les connaissances scientifiques étaient suffisamment précises selon l’association pour reconnaître la nécessité de poursuivre la transition énergétique. A la suite du rejet de sa mise en demeure, l’association a assigné Shell en justice en 2019.
Dès lors la juridiction de la Cour du district de la Haye a démontré que les activités du groupe pétrolier sont émettrices de CO2 et ont donc un impact sur les droits humains. Un juge néerlandais a donc ordonné à Shell de cesser ses activités les plus polluantes et de respecter une trajectoire de décarbonation. Plus précisément, le juge impose à désormais à Shell de réduire ses émissions de gaz à effet de serre directs et indirects (scopes 1, 2 et 3), ce qui comprend les émissions liées aux produits pétroliers et gaziers) de 45% pour 2030 par rapport à 2019, en lien avec la trajectoire 1.5°C. Ce jugement s’applique à l’ensemble du groupe Shell, c’est-à-dire à toutes les filiales du groupe, y compris celles situées à l’étranger. Les juges néerlandais espèrent ainsi contraindre Shell à la neutralité carbone pour 2050, signifiant l’élimination des gaz à effet de serre à cette date.
Pour Paul Mougeolle, de Notre Affaire à Tous : "Ce jugement historique sonne officiellement le glas des hydrocarbures pour Shell, et probablement pour toutes les grandes entreprises des énergies fossiles, dont Total. Les entreprises ne doivent plus attendre, elles doivent impérativement agir maintenant pour limiter le réchauffement à 1.5°C ! Si les entreprises n’en prennent pas acte, nous multiplierons les moyens judiciaires pour faire reconnaître cette décision en France."

Total dans le collimateur des associations françaises

Effectivement, cette décision de la justice néerlandaise pourrait avoir comme conséquence, immense, d’influencer le droit privé et des entreprises dans de nombreux pays, en particulier en France, où un litige similaire est en cours contre Total. Le groupe français pourrait se voir contraint de la même manière de prendre les mesures nécessaires afin de réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre en conformité avec l’objectif de l’Accord de Paris qui limite le réchauffement climatique nettement en deçà de 1,5°c.
Pour mémoire, l’affaire Total démarre en France en octobre 2018 lorsqu’un collectif d’associations et de collectivités interpèle le groupe pétrolier en s’appuyant sur la loi relative au devoir de vigilance, un concept juridique très proche du fondement juridique néerlandais (duty of care). Le collectif s’appuie également sur les résultats du nouveau rapport du GIEC, qui démontre la nécessité de limiter le réchauffement à 1,5°C. Suite à cette interpellation, le collectif a assigné Total en justice en janvier 2020, et en 2021, le groupe pétrolier a subi sa première défaite en justice lorsque le juge civil a déclaré que celui-ci est bien compétent pour trancher ce litige. Total a fait appel de la décision. Une décision sur le fond de l’affaire pourrait être rendue en 2022.

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